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PRESSE

Ils ont vu Ode à Médine

GIlles Costaz pour WebThéâtre

Sabine Revillet a trouvé la distance du poème, laissant au loin le fait divers qui s’est produit en Turquie en 2010 (...). Elle a écrit un psaume, un chant, bouleversant..

 

 

Une femme, en déshabillé, comme au sortir du lit, parle.

L’on sait tout de suite qu’elle reflète une tragédie, qu’elle va vers la tristesse la plus douloureuse, et au-delà. Est-elle la victime ?

Le témoin ? La voix de la collectivité ? Plusieurs voix cohabitent en elle mais on comprend qu’elle est, avant tout, la mère d’une femme rayée du monde des vivants.

Car une victime il y en a bien une : une jeune femme mariée que son ami et son père ont enterrée vive et qu’ils ont laissée s’étouffer dans le jardin de leur maison, parce qu’elle bavardait avec des hommes. La femme ne raconte pas exactement ce qui s’est passé.

Elle lance des sensations, des images, des émotions, des cris. L’horreur se reconstitue, dans la mosaïque du monologue et des mots des autres. La mère devient parfois sa fille qui jette ses suppliques inutiles avant et après le meurtre.

 

« Dans le jardin elle s’est enterrée avant l’heure du dîner / L’obscurité l’a faite disparaître / L’obscurité l’a avalée / Jamais nous n’avons eu de fille. Elle s’est expulsée de nos cornées », clame la mère.

Sabine Revillet a trouvé la distance du poème, laissant au loin le fait divers qui s’est produit en Turquie en 2010 (et qui a pu se reproduire on ne s’est combien de fois depuis, ici et là).

Elle a écrit un psaume, un chant, bouleversant. Stéphanie Correia le met en scène sur une scène carrée, où un peu de terre, brassée par l’actrice seule en scène, évoque la sauvagerie primitive du drame et où une image vidéo à l’arrière-scène donne à voir la végétation, donc la vie.

Maïté Cotton porte ce personnage complexe de morte et de vivante, de disparue et de survivante, en qui s’exprime la parole de toutes les femmes humiliées du monde. Elle est à la fois forte et fragile, d’un seul bloc et de mille fissures.

Sabine Revillet, Stéphanie Correia et Maïté Cotton ont créé un moment brut, qui se refuse à l’élégance et même à l’esthétique. Au-delà de l’hommage à l’authentique Médine, c’est une plainte sidérante et nécessaire qui rejoint les grandes plaintes antiques en rompant avec elles, sans rien perdre de son urgence immédiat.. 

 

Gilles Costaz - Avril 2016

 

 

 

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