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PRESSE

Ils ont vu Ode à Médine

Stanislas Claude pour Publikart

L’actrice multiplie les performances dans une heure dense et somatique...

 

 

Ode à Médine glace le Théâtre Darius Milhaud tous les lundis à 21h jusqu’au 2 mai. Une actrice seule sur scène incarne les trois protagonistes d’un drame familial insoutenable. Adapté d’une histoire vraie, la pièce coupe littéralement le souffle. Un déluge d’émotion se déverse sans discontinuer sur un public médusé dans une pesanteur suffocante. Un moment de théâtre crispant et puissant qui invite à la réflexion.

 

Sabine Revillet s’est inspiré d’une histoire vraie pour écrire Ode à Médine. En 2010, la jeune Médine a été assassinée dans un anonymat général. L’histoire n’est reprise que par certaines publications, attirant l’attention et émouvant l’auteure. En osant parler à des inconnus, Médine, 16 ans, s’est attiré la furie paternelle jusqu’à l’escalade tragique, innommable, inimaginable. Enterrée vivante dans le jardin familial, elle a lavé de sa vie l’affront. Plutôt que d’adapter littéralement le récit de ce crime d’honneur, l’auteure choisit Maïté Cotton pour prêter son physique et sa voix au père, à la mère et à la fille. Elle bascule de l’innocence de l’enfance à la rage paternelle sans transition. Elle susurre ou vitupère dans une même fougue habitée. La voix principale est celle de cette mère vivant dans le déni. La botanique est son refuge pour ne pas sombrer devant le comportement monolithique d’un mari taiseux et violent.

 

Le contexte de la pièce reste indéfini, peut être ailleurs, possiblement chez nous. L’auteure cherche l’universalité et prend du recul avec l’histoire originale. Ni la culture du pays ni les moeurs archaïques ne sont pointés du doigt. Le déni maternel est transposable à toute époque et en tout lieu, et si sa posture schizophrénique en fait une victime obnubilée par un monde de fantaisie botanique, elle pourrait avoir n’importe quelle autre lubie. Le choc de génération entre un père ancré dans un archaïsme ancestral et une fille éprise de vie rappelle immédiatement les récentes héroïnes du touchant Mustang. Le comportement psychotique de la mère a ranimé le souvenir de l’ouvrage d’Hubert Selby Jr,LeDémon. Contexte et intrigue très différents, mais le héros se plonge également dans la botanique pour taire son addiction et échapper à l’asphyxie.

 

L’actrice multiplie les performances dans une heure dense et somatique. La mise en scène épurée la place entre un écran de fleurs et un tapis de terre en forme de tombe. Elle s’en recouvre à l’envi, comme si la triste mère souhaitait conserver un lien avec sa fille disparue. Sa chemise de nuit immaculée perd de sa pureté et se transforme en habit de deuil souillé de terre. Les rares moments où elle incarne le père la voient multiplier les injures dans une litanie pénible car mortifiante. Les noms d’oiseaux volent et on imagine l’implication émotionnelle nécessaire pour s’approprier le personnage. La thématique botanique revient incessamment, soulignant le trait métaphoriquement, plaquant au sol cette histoire de deuil et de terre.

 

La pièce Ode à Médine mérite d’être découverte de toute urgence pour se confronter à une réalité terrifiante et à ce crime insoutenable. 

 

 

Stanislas Claude - Avril 2016

 

 

 

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